Cinéphilie

La cinéphilie, dans son sens étymologique, est l’amour du cinéma. Il est couramment admis que le terme est apparu en France dans les années 1940 et servit d’abord à désigner un mouvement culturel et intellectuel français qui durera jusqu’en 1968. Depuis le terme s’est émancipé pour caractériser toute passion du cinéma, quelles que soient son expression et son organisation.

On dit qu’une personne est cinéphile lorsqu’elle consacre une part importante de ses loisirs à la vision de films et/ou à l’étude du cinéma [1] de plusieurs points de vue, taxinomique (taxinomie des films), technique, sociologique, etc. Au niveau le plus simple, un cinéphile peut également collectionner les affiches de films ou divers produits dérivés.

Une autre image de la cinéphilie est sa comparaison à un virus, férocement contagieux, dont on ne se débarrasse que très difficilement [2].

La cinéphilie a évolué au cours du XXe siècle : en quoi la nouvelle cinéphilie diffère-t-elle donc de l’ancienne ? Dans l’ancienne cinéphilie [3], le film était une denrée rare, dans la mesure où un film, une fois qu’il était sorti dans le secteur commercial, disparaissait. Il n’y avait pas, comme aujourd’hui, des centaines de chaînes de télévision qui passent des films. Il n’y avait pas de DVD ni de vidéocassettes. Un film manqué lors de sa sortie ou non distribué était un film difficile à voir. Ce qui supposait, pour le cinéphile, l’effort de voyager pour le revoir dans une cinémathèque étrangère, et c’est ce qui explique que les cinéphiles de l’ancienne génération aient été les enfants de la Cinémathèque, c’est-à-dire les enfants d’Henri Langlois

Henri Langlois est un pionnier de la conservation et de la restauration de films. Il est l’un des artisans fondateurs de la Cinémathèque française [4].

 Le cinéphile choisit les films qu’il veut voir, films rares qu’il traque, qu’il recherche à travers les cinémathèques. Il a des listes de films qu’il n’a pas vus, et il regarde les programmes des chaînes câblées pour voir s’ils passent. Il reçoit les programmes non seulement de la Cinémathèque de Paris, mais des autres : Lausanne, Bruxelles, Londres…, pour essayer de voir ces films.

 Aujourd’hui, rater un film lors de sa sortie en salle n’est plus un problème, la plupart des films étant par la suite diffusés à la télévision ou en DVD. Cependant, une part significative des cinématographies dites « rares » reste difficile d’accès, et les cinéphiles peuvent alors attendre plusieurs années une édition (ou réédition) en DVD ou une diffusion lors d’un festival.

D’autre part, jusqu’à une certaine époque, il était possible pour un cinéphile d’avoir vu une grande part du patrimoine cinématographique mondial. C’était le cas de nombreux cinéphiles français entre les années 1940 et 1960. Aujourd’hui, compte tenu de la croissance quasi exponentielle de production des films depuis la naissance du cinéma, et bien qu’y consacrant leur vie, les cinéphiles ne peuvent plus en voir qu’une part infime. Pour les cinéphiles contemporains, le choix s’opère alors entre une approche qualitative (ne voir que les films reconnus ou primés, ou selon des critères plus personnels) ou une approche quantitative – on parle alors de cinéphagie.

La cinéphilie possède aussi d’autres influences : dès la naissance du cinéma, des ciné-clubs se sont développés pour réunir les amateurs de cinéma. On y étudie généralement l’histoire et les différentes techniques du cinéma, à la suite d’une projection d’un film. Les différents membres d’un ciné-club ont les mêmes intérêts et programment eux-mêmes leurs diffusions et discussions, ou débats. Au fil du temps, le concept a évolué et est de plus en plus affilié à une activité socioculturelle variée.

Il est ainsi adapté dans des programmes éducatifs dans le cadre d’un objectif culturel comme un « ciné-philo » qui lie cinéma et philosophie, ou encore un « ciné-science » dans le cadre de la cinématographie à but scientifique.

L’arrivée de nouveaux médias dans la seconde moitié du XXe siècle a bouleversé les habitudes des cinéphiles. La télévision, le magnétoscope, le DVD et Internet ont popularisé une cinéphilie vue comme élitiste au plus fort de la fréquentation des ciné-clubs (des années 1940 aux années 1960). Mais cette popularité croissante n’a pas été répercutée sur la fréquentation cinématographique, car la cinéphilie se manifeste de moins en moins en salle. La fréquentation n’a en effet cessé de baisser depuis l’après-guerre.


[1]– Voir l’analyse de la cinéphilie.
[2]– Voir la critique des deux films sur la cinéphilie : The Dreamers et Cinemania.
[3]Contre la nouvelle cinéphilie.
[4]– Voir ce que a déclaré Jean Tulard, universitaire et historien français, à propos de l’ancienne et de la nouvelle cinéphilie.